Primorye

Le Tigre de Sibérie

Territoires du Nord-Ouest<br /><br /><br /><br /><br /><br /><br /><br /><br /><br /><br />  - Destination sur demande Destination sur demande

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Au cours de mes séjours en Primorye, j’ai été invité à suivre une brigade anti braconniers dans la Réserve de Lazovsky et j’ai également pu visiter le centre de réhabilitation d’Utyos. Ces deux lieux sont parmi les plus important pour la protection des Tigres de Sibérie et des espèces menacées de l’Extrême Orient russe.

 

La Réserve  de Lazovsky

La réserve de Lazovsky se situe dans l’Extrême-Orient russe, dans l’Est du continent Asiatique, face à la Mer du Japon, à 200 km au Nord-Est de Vladivostok (Région de Primorye), dans la partie Sud des montagnes de Sikhote-Alin.Le périmètre de la Réserve s’étire sur près de 240 km dont 36km de côte sur la mer du Japon et son territoire s’étend sur 121 000 ha. L’altitude moyenne est de 500-700m avec des sommets jusqu’à 1400m. Elle inclut deux petites îles : Petrov et Belzov.

Elle abrite près de 4000 espèces de plantes, 3000 d’insectes, 354 d’oiseaux et 60 de mammifères avec parmi eux 5 espèces inscrites sur le Livre Rouge Russe des animaux menacés de disparition comme le Tigre de l’Amur (« Tigre de Sibérie ») dont la réserve regroupe la plus grande densité de la Région.

Lazovsky doit la richesse de sa biodiversité à sa situation géographique particulière aux confins de l’Eurasie et du Pacifique avec un climat dominé par un front polaire en hiver et l’influence de la mousson en été. De plus, la situation de la Réserve à la limite sud de l’extension des glaces durant la dernière glaciation a permis à la fin de cette période de voir survivre et coexister d’anciennes espèces avec de nouvelles.
De ce fait, l’écosystème local qui porte le nom d’écosystème de la « Taïga de l’Oussouri » (du nom du fleuve à l’Ouest de cette Région de Primorye) est très complexe et se compose aussi bien de représentants de la flore et de la faune subtropicales, qu’euro-sibériennes. Parmi les éléments subtropicaux on trouvera le Ginseng, le Léopard de l’Amur, l’Ours de l’Himalaya, le Sika Deer, etc … et parmi les éléments euro-sibériens l’Aspel, la Zibeline, l’Ours Brun, …

Organisation et missions

La Réserve a acquis son statut actuel depuis 1935 après avoir été une zone plus ou moins protégée et plus ou moins étendue depuis 1928. Elle a pris son nom définitif de Réserve Naturelle d’Etat Lazovsky en 1943, après l’assassinat par des braconniers de Lew G. Kaplanov, zoologiste de la Réserve.
Elle n’est traversée par aucune route et personne n’est autorisé à s’y déplacer.
L’administration, dont le quartier général est basé dans la petite ville de Lazo, est organisée en trois départements : un département regroupant les Inspecteurs en charge de protéger la faune et de la flore dans la Réserve, un département scientifique et un département en charge de l’éducation écologique auprès de la population et principalement des jeunes.

Les Inspecteurs se répartissent en deux groupes correspondant à deux missions différentes.
Les premiers, organisés en binômes, sont basés dans les villages ou dans des cabanes (« check points ») aux abords de la Réserve et sont chargés de contrôler que personne n’y pénètre. Ils restent en poste 1 mois et ne sont généralement pas originaires des lieux afin de ne pas pactiser avec des braconniers locaux potentiels.
Les seconds, organisés en brigades de 5 à 7 hommes, interviennent sur demande des premiers ou bien patrouillent toute l’année sur tout le territoire de la Réserve, pendant 3 semaines consécutives, de jour comme de nuit, à pied ou en 4×4, afin de contrôler qu’aucun braconnage n’a lieu. Ces brigades sont au nombre de trois, dont deux sont en permanence sur le terrain. Elles disposent en outre de moyens radios et sont armées.
Ces brigades se substituent entièrement à la Police sur le territoire de la Réserve. Elles ont le droit d’y arrêter un individu, mais l’Inspecteur doit alors faire la preuve de l’infraction et le flagrant délit est souvent difficile à établir.

Les cas de braconnages concernent par exemple les grands ongulés ou les Tigres mais aussi le ramassage illicite de plantes protégées comme le Ginseng. Les coupes illégales de bois dans les forêts sont aussi sanctionnées. Les Tigres ne disparaissent pas directement à cause du braconnage mais indirectement à cause de l’abattage des forêts : en effet les Tigres chassent les ongulés qui se nourrissent entre autre des glands des chênes et donc l’abattage des arbres fragilise leur population mettant de ce fait en péril la population des Tigres. Tout est lié.

On abat les Tigres pour la pharmacopée chinoise. On ramasse le Ginseng pour ses vertus soit disant aphrodisiaques. On abat les arbres pour vendre du bois de chauffe en Chine. On chasse les ongulés pour se nourrir du fait des manques de moyens pour s’acheter de la viande. La nature doit décidément se défendre contre beaucoup d’ennemis …
Les brigades patrouillent souvent à pied aux limites de la Réserve pour chercher des traces d’intrusion car une des méthodes des braconniers est d’y pénétrer à pied avec leurs chiens pour suivre les traces des ongulés. Les Inspecteurs patrouillent aussi la nuit pour surprendre les braconniers qui chassent également en aveuglant les ongulés avec les phares des voitures.
Lorsqu’on est admis à suivre une de ces patrouilles en 4×4 ou bien à pied dans son quotidien, de jour et de nuit, on se rend compte que c’est très physique. Les parcours en véhicules semblent interminables car souvent à la limite de ce qu’un véhicule tout terrain peut franchir, surtout en mars lorsque la glace n’est plus assez portante pour traverser les ruisseaux ou les zones marécageuses et que la neige devient lourde. Les passagers sont constamment secoués dans tous les sens. Les traques à pied dans la taïga peuvent durer des heures dans la neige profonde et le froid et souvent sans résultats.
L’hébergement à 5 ou 7 dans des cabanes en bois surchauffées ou glaciales selon que c’est le début ou la fin de la nuit est plus que spartiate et le réveil parfois à 1h du matin pour aller surprendre les braconniers dans la nuit glacée (en mars, il fait autour des -20°C …) est assez difficile. De plus, une fois sur le terrain, on ne peut pas faire tourner le moteur pour réchauffer le véhicule sans risquer de se faire repérer ni allumer les phares pour se diriger, ce qui ajoute aux difficultés du conducteur à déjouer les alea du terrain …

Aux côtés des Brigades des Inspecteurs, le Département Scientifique a pour missions entre autres d’évaluer régulièrement le nombre des représentants des espèces de la Réserve (faune ou flore), en particulier des plus menacées et/ou des plus rares comme les Tigres, les Gorals, les Sika Deers, le Ginseng, … et d’en surveiller la dynamique. Ponctuellement, les scientifiques peuvent également faire des études approfondies sur telle ou telle espèce en danger.

La troisième mission de la Réserve est l’éducation écologique. Pour cela le Département en charge dispose de deux outils remarquables : le Musée d’Histoire Naturelle et le Centre Ecologique. Le Musée regroupe une collection aussi magnifique que complète des espèces vivant dans la Réserve.
Il permet de se rendre compte de la richesse de la biodiversité de Lazovsky.
Le Musée organise des excursions dans la Réserve pour les visiteurs, des conférences pour les étudiants et les professeurs. Le Centre Ecologique dispose de livres, de cassettes VHS et DVD consultables sur place ou commercialisés. Il a un rôle éducatif auprès des populations locales adultes mais aussi auprès des enfants et à ce titre les éducateurs interviennent directement dans les écoles avec du matériel tel que des fascicules, des affiches, … pour enseigner l’écologie.
Le rôle des éducateurs est également d’expliquer aux villageois l’intérêt de protéger le Tigre malgré que ce dernier soit un voisin de plus en plus proche de leurs habitations du fait de l’empiètement des hommes sur son territoire.

Difficultés et axes d’amélioration

Les salaires de ces Inspecteurs nous sembleraient à nous autres Européens déjà bien modestes, mais même à l’échelle des rémunérations en Russie, ils ne suffisent pas à faire vivre une famille.
Les Inspecteurs pour beaucoup ne restent pas longtemps en poste et le recrutement est une des premières difficultés rencontrées par les Responsables qui faute de moyens ne peuvent augmenter leurs salaires.
De plus les Inspecteurs sont tenus de respecter des objectifs sans quoi ils se voient contraints de quitter leur poste.
La mission première de la Réserve, devant les activités scientifiques ou l’éducation et sans laquelle il n’y aurait pas de Réserve étant de préserver la faune vis à vis des braconniers, l‘équipement des Inspecteurs est une priorité.
Le budget lié au véhicule est une deuxième difficulté. L’approvisionnement en gazole sans lesquels il n’y aurait pas de patrouille ou bien l’entretien de base des véhicules (« Russian Jeeps » hors d’age !) comme par exemple le remplacement des pneus sont des postes budgétaires importants. Puis il y a les uniformes, les armes et les moyens radios et la nourriture.

La réserve est financée par la Fédération de Russie mais reçoit également des fonds d’organismes comme le WWF. En outre, une ONG basée à Vladivostok, Phoenix Fund, participe au frais de la Réserve en prenant intégralement à sa charge le budget total d’une Brigade d’Inspecteurs et son équipement. Enfin, la Réserve accueillant ponctuellement de petits groupes de Visiteurs, elle bénéficie également de revenus liés à « l’écotourisme ».
Parmi, les difficultés rencontrées par la Réserve, il y a aussi les moyens dont disposent certains braconniers et qui peuvent être supérieurs à ceux des Inspecteurs. Ces braconniers qui s’intéressent plus particulièrement aux Tigres pour le marché chinois, disposent de gros véhicules 4×4 japonais quasiment neufs, de jumelles à visée nocturne, de moyens radios performants, voire même parfois de téléphones satellitaires. De plus, en cas d’arrestation, leurs moyens financiers leur permettent de disposer de très bons avocats, bien rémunérés, et dans ce cas les Inspecteurs ont beaucoup de difficultés à faire aboutir un cas de braconnage jusqu’à la condamnation.
La lutte semble inégale.
Néanmoins, Alexander A. Laptev, Directeur de la Réserve et Sergey A. Khokhrjakov, Directeur Adjoint en charge du Département d’Education Ecologique et du Tourisme Ecologique sont fiers que Lazovsly soit une des réserves présentant les meilleurs résultats en matière de lutte contre le braconnage, à tel point que leurs Collègues des autres réserves de Primorye et de Russie viennent se former ici. D’ailleurs, les visiteurs passionnés de vie sauvage et de protection de la nature sont les bienvenus en petits groupes pour en juger par eux même.

 

Le Centre de réhabilitation de Utyos

Utyos est ce qu’on appelle un centre de réhabilitation. Les animaux présents ne sont pas destinés à rester sauf s’il s’avère qu’ils ne seront pas capables de survivre seul à l’état sauvage.
L’histoire d’Utyos est liée à un homme et à un tigre : Vladimir Kruglov et Luty.
Il y a un peu plus de 10 ans, tout près de l’emplacement où sera construit plus tard le Centre de Réhabilitation d’Utyos, un jeune tigre était capturé par des braconniers. Durant sa capture l’animal fut blessé à la mâchoire. Les braconniers furent arrêtés et le tigre apporté à Vladimir Kruglov, alors chasseur de tigres réputé qui avait déjà capturé plus de 40 Tigres de l’Amur, tous destinés à des zoos ou bien aux cirques de l’Union Soviétique. A cette époque V. Kruglov décida de mettre un terme à sa carrière de chasseur et décida de s’occuper de ce jeune tigre qu’il appela Luty (qui signifie « animal féroce » !).

Luty fut soigné et une équipe de Vétérinaires décida de lui implanter une prothèse dentaire. L’opération fut un succès mais il était évident que Luty ne repartirait jamais plus dans la nature. Et Luty fut le premier pensionnaire de ce qui allait devenir le Centre de Réhabilitation d’Utyos.
Depuis cette époque lorsqu’un animal est trouvé blessé dans la nature ou que des braconniers sont arrêtés et l’animal saisi, c’est à Utyos qu’on l’amène.

Le Centre est situé dans la Région de Khabarovsk, à 1000km au Nord de Vladivostok, sur les contreforts des montagnes de Sikhote-Alin, près de village de Kutuzovka. Depuis 1996, Utyos a accueilli, soigné et relâché dans la Taïga près de 43 Ours à Colliers, 3 Tigres de l’Amur, 5 Renards, 2 Cerfs et 2 Aigles à queue blanche.
Les Tigres et les Ours sont principalement recherchés par les braconniers pour le trafic avec la Chine : les Tigres pour leurs os, les Ours pour leur bile. Les Tigres sont évidemment aussi braconnés pour leur fourrure.
Lorsqu’une Tigresse est abattue, si ses petits ont de la chance, ils sont retrouvés avant de mourir de faim et seront conduits à Utyos où ils seront nourris et soignés. Ensuite, 2 ou 3 ans après, s’ils sont capables de se défendre seuls contre les autres Tigres et s’ils ont acquis une autonomie de chasseur, ils seront relâchés dans la Taïga. Sinon, ils seront cédés à un zoo ou un cirque.

Pour les bébés Ours à Collier (ou « Ours de l’Himalaya »), le cursus est le même, mais le cycle de retour à la liberté plus court.
Cet hiver 2006, ils sont huit Ours pensionnaires au Centre. Ils ont été recueillis quelques mois auparavant et seront relâchés fin mai lorsque les nouvelles herbes bourrées de vitamines auront poussé dans la forêt et qu’ils pourront ainsi se nourrir seuls. Contrairement à leurs cousins Ours Bruns, les Ours de l’Himalaya ne pêchent pas le saumon des rivières et des lacs, tout au plus ils en mangent un ou deux déjà morts. La plupart du temps les Ours de l’Himalaya mangent des racines, des herbes et des baies.

Le Centre abrite également 1 Renard et 2 lynx dont un a l’extrémité de la patte coupée, probablement prises dans un piège et l’autre une oreille coupée.
En plus, cette année, à cause d’un hiver très long, très froid avec beaucoup de neige, de nouvelles espèces de pensionnaires sont apparues : de jeunes sangliers retrouvés seuls, qui visiblement n’arrivaient plus à trouver de nourriture dans la forêt tant la neige s’était accumulées et que l’hiver se prolongeait.

Le Centre d’Utyos ne reçoit aucune aide du Gouvernement Régional de Khabarovsk, ni du Gouvernement Fédéral de Moscou. Pire, le Gouvernement local perçoit des taxes proportionnelles aux déjections des animaux hébergés !
De fait, le Centre ne comptant principalement que sur ses propres revenus, s’est ouvert depuis quelques années aux visiteurs locaux et « écotouristes » qui peuvent même y être hébergés et y prendre des repas dans de très bonnes conditions.
La nuit, on peut même parfois entendre les rugissements rauques de Tigres sauvages venant rendre visite à Luty près de son enclos !

Enfin, Utyos est également supporté ponctuellement par des organismes comme le WWF, le WCS et une ONG locale, Phoenix Fund basée à Vladivostok.
Néanmoins, ces revenus suffisent à peine à faire vivre le Centre. Les enfants de Vladimir Kruglov, Edouard V. Kruglov et sa sœur, qui ont repris les activités de leur Père après son récent décès, souhaiteraient améliorer les conditions d’hébergements des pensionnaires en construisant des enclos plus vastes et mieux adaptés.
Par exemple, pour les Oursons à Collier, il serait mieux qu’au moment de leur arrivée au Centre, ils ne soient pas séparés mais plutôt hébergés tous ensemble dans un vaste enclos jusqu’à l’age de 4 mois, et que seulement ensuite ils soient séparés 2 par 2 dans les enclos plus réduits qu’ils occupent aujourd’hui malheureusement dès leur arrivée au Centre.

Il est important pour les Oursons d’avoir des enclos spacieux et relativement hauts (3 mètres minimum) afin de favoriser leur croissance et qu’ils aient une meilleure forme physique.
Toujours pour les Oursons, il serait bon d’avoir un enclos avec une palissade électrifiée pour les dissuader d’aller voler du miel dans les fermes des apiculteurs locaux !
Concernant les Tigres, un enclos plus vaste permettant de pouvoir accueillir dans de bonnes conditions 2 ou 3 Tigres ensemble lorsque le cas se présente.

Mis ces projets coûtent chers : suivant la taille de l’enclos son coût peut aller de 30000 à 70000USD pour une surface de 5ha. De plus, Edouard V. Kruglov doit faire face aux dépenses quotidienne de fonctionnement du Centre incluant les salaires du personnel et la nourriture des pensionnaires. Un Tigre comme Luty consomme 12kg de viande par jour et les 8 bébés Oursons sont en pleine croissance … Edouard V. Kruglov compte beaucoup sur le développement de « l’écotourisme » pour mener à bien ces projets et que le Centre de Réhabilitation Utyos, crée par son Père, puisse continuer d’exister.

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