Colombie Britannique
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La Grande Forêt pluviale de Colombie Britannique se situe dans l’Ouest Canadien, au nord de Vancouver et s’étend sur plusieurs centaines de kilomètres le long de la côte Pacifique nord jusqu’au Yukon. Un chapelet d’îles, plus ou moins étendues (Ile de Vancouver, Ile Princesse Royale, Iles de la Reine Charlotte et beaucoup d’autres plus petites) protège la côte des tumultes et des vents de l’océan et créent un ensemble de canaux qui permettent de se déplacer en bateau à l’abri.
Depuis des siècles, les Indiens autochtones vivent dans ces régions, se déplaçant en canoës le long de ces côtes abritées. Dans la forêt, d’anciennes habitations, « Grandes Maisons », creusées dans le sol et recouvertes de troncs d’arbres énormes témoignent de ce passé, bien avant l’arrivée des Européens au XXVIIIè siècle. La pluie est très présente dans cette région du monde et cela a permis à la végétation de s’y développer de manière spectaculaire. Il n’est pas un mètre carré sans un arbre, un arbuste, des herbes géantes et surtout des mousses. Une épaisseur incroyable de mousses recouvre tout: depuis le sol jusqu’aux troncs des arbres, elles recouvrent tout et poussent même suspendues à leurs branches.
La région est moyennement montagneuse (sommets de 1500m à 2000m) et une multitude de petits torrents et rivières alimentés par les pluies incessantes descendent des versants des montagnes et viennent se jeter dans le réseau de canaux entre les îles et débouchant sur le Pacifique Nord.
Chaque année, à la fin de l’été, ces torrents et rivières voient arriver une multitude de saumons venant de l’océan et qui tentent de remonter le plus haut possible les cours d’eau, près de l’endroit où eux-mêmes sont nés bien des années avant. C’est un mystère, on ne sait pas comment les saumons retrouvent précisément la rivière de leur naissance. Evidemment, cette manne est attendue par tous les habitants de la Grande Forêt et en particulier par les Ours. En fait, deux espèces d’ours y cohabitent : les ours noirs, plutôt dans les vallées étroites et encaissées et les Grizzlis, plutôt à l’embouchure des rivières, en terrain plus plat.
Il existe bien d’autres espèces profitant de l’abondance des saumons et parmi elles on trouve les Aigles à Tête Blanches, nombreux le long du Pacifique nord et bizarrement on trouve aussi des loups. Ces loups se sont visiblement adaptés à manger des saumons, mais eux ne se nourrissent curieusement que de la tête et abandonnent le reste du corps du poisson. Ce qui entre autre nous permet de détecter facilement la présence de meutes de loups à un endroit donné … Les autochtones disent que les loups raffolent et ont besoins d’une substance présente dans la tête des saumons. Les ours, eux, font un autre type de sélection. Ils préfèrent manger les femelles remplies d’œufs et souvent après avoir attrapé un poisson, s’ils constatent que c’est un mâle, ils le relâchent purement et simplement. Néanmoins, le pauvre saumon ayant été extirpé plutôt brutalement de la rivière par les griffes du prédateur, même si ce dernier le relâche, ne survit généralement pas.
Dans l’habitat des Ours Noirs, donc plutôt les rivières et torrents des vallées encaissées et des forêts profondes, rarement aux embouchures larges, le voyageur chanceux pourra observer le symbole de la Grande Forêt Pluviale : l’Ours Esprit ou encore appelé Ours Kermode. Il s’agit en fait d’un Ours à la fourrure blanche, mais de la famille des Ours Noirs. Cet Ours est rare. Une femelle Ourse Noire peut avoir parmi ses petits un Ourson Blanc et les autres noirs. A son tour, si cet Ourson est une femelle, elle pourra donner naissance à des Oursons noirs ou blancs. Il s’agit d’un gène qui a muté et qui est distribué aléatoirement. Néanmoins, ce phénomène n’est observable que dans cette région du monde et particulièrement sur certaines îles de la Colombie Britannique.
Personnellement, j’eus la chance, grâce au support d’Indiens locaux, d’observer une mère Ourse Noire et son petit d’un an et demi environ. La femelle, visiblement sur ses gardes, scrutait constamment les environs, car plusieurs Ours Noirs rôdaient le long de ce torrent dans un rayon de 200m environ et pouvaient surgir de n’importe où, tant la végétation est dense. Dans le cas d’une confrontation, ce qui arrive souvent, c’est que le plus gros chassait le moins gros, mais concernant l’Ourson, il était possible qu’un mâle adulte s’attaque directement à lui pour le tuer afin de rendre la femelle de nouveau disponible pour s’accoupler. Donc, la Mère profitait assez peu de la quantité de saumons pour se nourrir et surveillait plutôt son petit qui lui se nourrissait des carcasses laissées par les adultes, car visiblement il n’était pas encore assez habile pour en attraper lui-même.
Plusieurs jours d’affilée, la femelle et son petit sont revenus au même endroit et curieusement à peu près à la même heure pendant la même durée: ce qui n’a pas semblé étonner mes amis Indiens. Ils m’en ont donné la démonstration, lorsqu’un autre jour, afin de ne pas trop déranger, notre Ourson Esprit et sa Mère, nous avons remonté une autre rivière où mes Guides m’avaient dit que deux ou trois années auparavant, ils y avaient vu régulièrement un Ours Esprit adulte, mais que ces derniers temps, il n’était pas réapparu et qu’il était probablement remonté un peu plus haut le long de la rivière. Et bien, oui : ce jour là précisément, il était là, à l’endroit même où les Indiens l’attendait ! Le symbole vivant de cette Grande Forêt était bien là, toujours vivant. On l’observa quelques minutes, puis aussi insaisissable qu’un esprit, on le vit s’enfoncer lentement dans les profondeurs secrètes de sa Forêt.